Stop whining and shoot for the fuck’s sake ! 6


Récemment, je me plaignais auprès de Deborah Swain que les rues de Saint-Denis étaient mortes et sans grand intérêt. C’est toujours comme ça. Quand ça ne va pas dans le sens qu’on veut, il faut trouver des boucs émissaires. Ah oui mon appareil photo est plutôt vieux … Les rues sont terriblement vides … Il ne se passe rien ici … Vous savez c’est une petite ville comparé à NYC (Comme si tout n’était pas petit comparé à NYC …) Bref toutes sortes d’excuses qui ne valent pas un clou. J’ai déjà écrit de nombreux blogs là dessus, mais j’ai l’impression que c’est dans la nature humaine de ne pas retenir les leçons (qui a parlé des guerres ?).

Je suis passé par ce genre de phase à Aix-en-Provence aussi. C’est indéniable qu’il y a moins de monde dans les rues à Saint-Denis, mais est ce que ça veut dire que c’est moins intéressant ? Est ce que ça veut dire qu’il ne s’y passe rien ? Comme d’habitude c’est le syndrome « L’herbe est plus verte ailleurs … ». C’est bien connu, nous les français, nous sommes des râleurs nés. Toujours à se plaindre de la moindre petite chose. En photographie de rue, c’est la routine qui  nous met souvent des œillères. Au final c’est assez normal. Nous sommes là à arpenter toujours les mêmes rues. Au bout d’un moment on ne voit plus les choses et il y a cet air de déjà-vu !

Je l’ai déjà dit maintes fois, en Street Photography, nous ne photographions pas les endroits, mais les gens. La ville est le décors. Je devrai répéter ça comme un mantra à chaque fois que je suis à deux doigts de me plaindre qu’il ne se passe rien dans ma ville. Très souvent pour me permettre de retrouver mon Mojo dans la rue, je me concentre uniquement sur des petites choses comme des gestuelles ou des attitudes qui sortent de l’ordinaire. C’est comme si je me transformais en loupe géante et que je traquais à travers l’objectif de mon appareil photo des petits détails.

Il se passe tellement de choses dans la rue que très souvent en regardant une vue d’ensemble d’une scène qui se déroule devant moi, je regarde sans vraiment regarder. Je suis spectateur passif alors que ce que j’essaye en Street Photography, c’est de faire des choses avec intention. Tiens un chapeau original ; pourquoi est-il pieds nus ? C’est la curiosité qui donne des opportunités de photos. Dès que j’arrête d’être curieux, vous pouvez être sur que mes yeux ne verront rien ou sinon que des choses évidentes.

L’autre chose qui fonctionne bien aussi, c’est de me laisser guider par mon instinct sans me poser de questions juste pour voir ce que ça va donner en photo.

 

“I photograph to find out what something will look like photographed.” Garry Winogrand

 

Ce n’est moi qui l’ai dit mais c’est tout à fait vrai. Même si je dis au fond de moi que j’essaye de documenter les rues de Saint-Denis pour essayer de laisser une trace d’une époque qui sera forcément révolue, il ne faut pas oublier le côté fun et amusant de la chose. Je fais ça aussi par ce que je prends du plaisir à faire des photos et à m’émerveiller devant des scènes banales et insignifiantes. C’est le côté enfantin de la chose qui rejoint la curiosité que j’évoquais plus haut. Si on arrivait à toujours regarder la rue avec un œil d’enfant, plus personne ne se plaindrait comme je le fais souvent.

Pour tordre le cou à l’idée qu’il ne se passe rien sur mon île, voilà quelques photos faites récemment.

 

#1

 

J’avais repéré ces trois frères habillés de la même façon et qui sortaient vraisemblablement de chez le coiffeur. Evidemment, la photo s’imposait. J’aime beaucoup le regard du garçon au premier plan qui est dirigé vers quelqu’un qui est hors cadre

 

#2

 

Cette seconde photo a été prise lors de notre visite des tunnels de lave. Prise au 21 mm à ISO 800, je m’en sors pas mal au niveau des couleurs et du bruit. Je m’étais déjà dit qu’avec ces casques, il y avait un fort potentiel malgré le manque flagrant de lumière. En photographie de rue, c’est toujours la même chose. J’avais passé les dernières semaines à lutter pour avoir quelque chose de correct et là, d’un seul coup, il y a cette scène où tous les éléments sont alignés et il ne me reste plus qu’à cliquer. Je n’ai absolument rien à faire à part vivre ce moment et le capturer. Vous le savez. Ce moment arrive rarement et vous le savourez car vous savez aussi qu’il ne se reproduira pas de si tôt…

 

#3

 

Photo d’un couple de coupeurs de cannes à sucre croisés à la fin de la visite des tunnels de lave. J’ai un peu discuté avec eux car la plupart des exploitations sont gérées par des machines et eux ne pouvaient pas car leur parcelle était trop petite. C’est un travail ingrat et difficile mais ils avaient le sourire. Ca méritait une petite photo !

 

#4

 

Boucan Canot ! Vous commencez à connaître cette plage. J’aime beaucoup cet endroit et cette fois, il y avait foule car c’est encore les vacances scolaires. J’ai laissé les kids aller à l’eau et j’ai trainassé un peu au bord de l’eau à snapper. Un père qui fait des photos de ses enfants, rien de plus normal non ?

 

#5

 

En remontant je suis passé devant ce gars qui bronzait. On trouve souvent des gens dans des positions improbables à la plage. Je dois reconnaître que c’est plus facile de photographier les hommes car ça ferait un peu gros pervers si je photographiais des filles dans des positions rigolotes. Alors que franchement, il y a de quoi faire !

 

#6

 

En descendant Maréchal Leclerc, mon regard a tout de suite été attiré par le ballet des mains de cette femme dans son dos. On avait l’impression qu’elle n’arrêtait pas de se caresser sensuellement le bas du dos. Ne me demandez pas pourquoi ! J’y ai juste vu une opportunité de photo …

 

#7

 

Là aussi, ce sont des détails qui ont attiré mon attention. Les pieds nus de l’homme qui jouait avec ses savates, la clope, la bière. Il ne m’en fallait pas plus pour cliquer. Je n’ai pas vu en détail toute la scène. C’est en regardant par la suite la photo que je me suis aperçu que ça devait être une sans-abri, vu l’état de son pantalon qui était tout crasseux. Je ne dis pas ça, parce que je me censure pas sur les sans-abri. Ils font partie de la rue. C’est juste pour vous dire que sur le moment, je suis juste attiré par les détails qui m’intéressent et que je ne vois pas le reste

 

#8

 

La gestuelle est ce qui m’a fait cliquer ici. Shocking !

 

#9

 

Je vois souvent ce monsieur avec son béret rouge. C’est clairement cet accessoire qui a motivé la photo. Un pas sur le côté gauche par rapport à l’orientation du soleil pour ne pas l’avoir en contre jour. C’est évident, mais dès que j’arrive à un endroit, je cherche toujours le soleil pour savoir où me placer. Une scène peut être ruinée à cause de sa position. Si je dois shooter en contre jour, il faut que ce soit voulu.

 

#10

 

 

Parfois je suis juste attiré par du mobilier urbain. Personne n’a vu une croix à cet endroit. Je ne suis même pas sûr que les gens ont vu le panneau « piétons » …  Ce n’est parce que je suis de confession catholique que j’ai vu le symbole de la croix (plus visible sur la photo d’ouverture de ce Blog), mais tout simplement parce que j’ai laissé mon esprit vagabonder et je l’ai laissé faire des associations libres qui m’ont amené à voir ces choses là. J’ai ensuite simplement composé en prenant le soin d’intégrer une affiche plutôt sexy du magasin de lingerie qui était juste à côté.

 

#11

 

Cette photo est le parfait exemple de photo « coup de bol ». Rien là dedans n’était voulu et fait avec intention. Enfin la seule chose que je voulais était de prendre la photo de cette fille qui allait allumer sa cigarette. Ca je l’ai vu et c’est la raison pour laquelle j’ai cliqué. Mais regardez la superposition entre la cigarette et le logo du magasin ! C’est impossible à réaliser de manière spontanée sans poser. Je pourrai dire que j’ai vu ça, mais non. C’est apparu au post-processing ! Lucky bastard !

 

#12

 

Pour cette dernière photo, je suis tombé par hasard sur une cérémonie tamoule dans Saint-Denis. Il y avait une procession en l’honneur de la déesse Kali. Bien évidemment, même si le cortège était déjà un appel à la photo, il fallait essayer de sortir de la basique photo ethnique en proposant autre chose. Et bien sûr il fallait être attentif pour capturer les gestuelles des deux personnages. Sans elles, la photo aurait été colorée mais insignifiante.

Donc voilà. Il ne se passe jamais rien dans les rues de Saint-Denis … La prochaine fois que je vous sors un truc comme ça, vous êtes autorisés à m’insulter à vous moquer de moi. « Jeff arrête de râler et shoot bordel de merde ! « 

Toutes les photos ont été faites avec le Ricoh GRD IV.

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6 commentaires sur “Stop whining and shoot for the fuck’s sake !

  • Jean Perenet

    Elles sont superbes ces images et ta maîtrise du GRD4 est impressionnante. L’avantage de photographier les mêmes lieux c’est qu’on se les approprie peu à peu. J’adore me promener sur le front de mer ici. Les lumières sont changeantes, il s’y passe toujours quelque chose. Je pense que c’est la même chose dans les rues de Saint Denis avec plus de soleil et quelques degrés en plus.
    Bonne continuation à toi
    Jean

    • Jeff Chane-Mouye Auteur de l’article

      Ça faisait longtemps que je n’étais pas resté à shooter avec le même appareil. Ces dernières années, j’avais tendance à switcher d’appareils régulièrement pour casser un peu la routine en essayant autre chose. Cette année j’avais besoin de revenir au GRD IV, car j’avais un peu perdu mes repères dans la rue et c’était pour moi l’appareil idéal pour me remettre sur pied. Faut croire que la magie s’est encore opérée et que le GRD IV m’a remis dans le droit chemin !
      Après, je pense que c’est une histoire d’état d’esprit. Je me sens bien en ce moment et même si je ne fais pas de photos tout le temps, je prends plaisir les fois où j’en fais. Aucune pression et je me laisse guider par mon instinct

    • Jeff Chane-Mouye Auteur de l’article

      Alors je vais faire de mon mieux pour écrire plus souvent alors la Marseillaise ! Enfin Salonnaise il paraît maintenant. On vous embrasse très fort depuis la RUN. De temps en temps Gwen me montre des photos des kids depuis Facebook et dernièrement c’était Abel qui a vachement grandi !

    • Jeff Chane-Mouye Auteur de l’article

      Bonjour Gérard,

      Toutes les photos sont prises en raw. J’aime bien avoir la main sur le traitement des photos. C’est en post processing que je passe ensuite les photos en couleur et en N&B. Pour le monochrome, je ne suis pas sûr de faire mieux que le ricoh, mais ce sont de vieilles habitudes 🙂