Avril 2018. Il y a 7 ans de ça, On avait décidé John Harper et moi d’écrire chacun de notre côté un Blog sur un même sujet. Form versus Content. Vous pouvez lire le billet ici. John est un photographe que j’apprécie beaucoup. Au delà d’être un très bon photographe, c’est aussi une personne qu’on pourrait définir d’érudit en ce qui concerne la Street Photography. Même si parfois comme il le dit, ses blogs partent dans tous le sens, il y a toujours quelque chose dans ces blogs en relation directe ou indirecte avec la Street Photography qui donnent à penser. Pour moi sa prose est au moins aussi bonne que ses photos (Il vous dira que son travail est de la merde … Ne le croyez pas !). C’est aussi un des rares photographes que j’ai pu rencontrer en personne alors que je passais une dizaine de jours du côté de Bristol (UK), non loin de la ville où il sévit habituellement : Bath. On avait évoqué l’idée d’écrire à nouveau, pas vraiment à quatre mains, mais chacun de son côté sur un sujet commun.
Avant d’aller plus loin, comme d’habitude, il est question sur ce Blog de Street Photography. Je parle que de ce que je connais. Ca ne me viendrait pas à l’esprit de parler de photo de manière générale. Toutes mes réflexions ont pour postulat de base : La Street. Et bien évidemment ma parole n’est pas évangile. Elle est à prendre en compte pour ce qu’elle est. Juste mon point de vue sur la chose. Vous pouvez ne pas être d’accord et c’est très bien comme ça.

Dans mes articles précédents, je disais que je n’avais pas de talents particuliers pour faire de la Street Photography. De mon point de vue, il suffit d’observer ce qui se passe dans la rue et de capturer ce qui se déroule devant nous. J’ai beaucoup regardé les photos des autres. Que ce soient des photos d’amateurs comme vous et moi, mais aussi en lisant les livres des Masters que j’ai achetés. Chez moi, j’ai du Winogrand, du Parr, du Webb, du Depardon, du Meyerowitz, du Klein, du Moriyama … Vous voyez, de quoi éduquer son œil en essayant de décortiquer les photos de ces Masters pour comprendre ce qui les rend si intéressantes.

Pour moi, il y a une foultitude d’éléments qui font qu’une photo est réussie. En étudiant les photos, on arrive à voir pourquoi ces photos nous attirent. Je vais essayer de lister certaines choses qui sont essentielles pour moi dans la rue. C’est ce qui attire mon attention. Ca ne garantit pas une photo réussie mais ce sont des éléments qui peuvent contribuer ou en tout cas, c’est une base de départ.

Photographie : écrire avec la lumière en grec ancien. Tout est dit. Oui la lumière est très importante en photographie. Il existe toute sorte de lumière et il n ‘y en a pas une meilleure que d’autres. On peut avoir des préférences, mais tous les types de luminosité ont leurs intérêts. Evidemment pour faire du light/shadows, vous aurez besoin d’une lumière plutôt dure qui vous permettra de jouer avec les différence de contrastes. De la lumière découle une ambiance aussi. Que la source de lumière soit en face de vous ou dans votre dos. Ce sont des choses importantes et suivant l’ambiance que vous voulez donner, il faudra se déplacer par rapport à la source de lumière. Pour certaines photos, la lumière peut jouer un rôle important. On peut s’amuser à jouer avec elle en jonglant avec les silhouettes, les ombres. Ce que je préfère c’est quand même une lumière plutôt plate. C’est à dire des temps couverts avec des nuages qui nous permettent d’avoir une lumière plus diffuse et moins dure. La raison pour laquelle je préfère ce genre de lumière c’est parce qu’il y a moins d’ombres et que ça permet de mettre en avant la composition et ne pas tomber dans la facilité et ne prendre en compte que les forts contrastes.

La composition d’ailleurs est un élément important pour réussir une bonne photo. Les règles que je m’impose sont assez simples. J’essaye toujours d’avoir une image qui soit claire et lisible. Une photo qui soit équilibrée. C’est une chose assez compliquée à réaliser dans la rue et je n’y parviens pas tout le temps. Il faut veiller à ce que les personnes photographiées ne se superposent pas avec des éléments, empêchant la lecture de la photo. Comme par exemple, deux personnes qui se superposent, rendant la lecture difficile. Très souvent j’ai tendance à vouloir empiler le plus de choses possibles dans une photo. Mais au final, je me suis rendu compte que le plus important n’était pas de rajouter des choses, mais d’en éliminer. Une photo surchargée sera un peu comme un buffet à volonté au resto chinois … c’est l’orgie mais c’est vraiment pas terrible. La rue peut être très bordélique et notre rôle dans la composition est de réordonner ce chaos pour en sortir quelque chose qui soit lisible. Quand je suis dans la rue, je peux gérer jusqu’à 2 ou 3 éléments grand maximum dans une composition. Si il y en a plus dans mes photos, c’est un pur hasard. Je n’ai pas maîtrisé le reste des éléments et je les ai laissé faire leur vie dans la composition. Mais 2 éléments sont une bonne base de départ.

Les gestuelles, c’est ce qui m’attire en premier lieu. Dès que j’en vois une, il y a comme une petite sirène qui retentit dans ma tête. WARNING ! Ce même geste peut être fugace et dans ce cas, si je ne suis pas loin, peut justifier à lui seul le déclenchement. Si je suis plus loin, je me rapproche rapidement en espérant que cette gestuelle se prolonge ou se répètera. Pourquoi les gestuelles ? On shoot à 1/500s voire plus vite très souvent dans la rue. Ce qui fait que nos photos sont un instantané, un moment capturé. Ce n’est pas de la vidéo où l’image représente la vie. sur une photo, tout est statique. On a encapsulé un moment dans une image et les gestuelles donnent de la vie à la photo. C’est une manière de donner du mouvement. Oh bien sûr il y a d’autres moyens de donner une impression de mouvement dans une image, mais la gestuelle est ce que je préfère.

Il y a aussi les interactions entre les personnes dans la rue. L’homme est un animal social et donc interagit très souvent avec ses semblables. Je suis toujours à l’affût de ces moments car il y a toujours quelque chose qui peut en découler. De l’enthousiasme, de la frustration, de la joie … et toutes ces réactions amènent justement à ce dont je parlais dans le paragraphe précédent : des gestuelles ! Nous photographes de rue, nous aimons capturer ces petits moments dans la rue. Nous faisons une photographie humaniste où l’homme est au centre de nos préoccupations. Ca m’arrive de faire des photos sans personne dans le cadre, mais ce n’est pas ce que je préfère.

Je m’arrêterai là. Alors quoi c’est tout ? En ce qui me concerne, quand je suis dans la rue c’est tout ce que j’ai dans ma boîte à outil. Lumière, composition, gestuelles et interactions. Pour autant ça ne garantit pas une bonne photo mais c’est un bon point de départ. Il y a bien d’autres choses qui font une bonne photo, comme des trucs moins tangibles, moins visibles mais que vous pouvez uniquement sentir. Je citerai en vrac, l’ambiance, la tension, l’énergie, le mystère… Une bonne photo de mon point de vue, n’est pas un empilement de tout ce que j’ai dit, mais doit comporter certains éléments qui permettront de capter l’attention de celui qui regarde. Qui doit aussi le questionner. Qu’est ce qui se passe là ? Pourquoi un tel réagit comme ça ? Que se passe t’il hors cadre qui suscite tant de réactions ? Si je passe du temps sur une photo pour me poser toutes sortes de questions, c’est que la photo pour moi est réussie. Je ne suis pas un grand fan de la mode actuelle avec les blagues visuelles comme les superpositions ou juxtapositions ou encore les photos hyper graphiques tout en géométrie et en contraste. Ce genre de clichés sont vides et sont juste bons pour Instagram.

Très souvent c’est au post processing que les photos se révèlent réellement. Quand je shoot, je ne vois pas tout. Je vois les choses dans leur globalité. Je vais en décevoir certains, mais malheureusement en ce qui me concerne, je ne peux pas dire que j’ai vu exactement tout se qui se passait dans mon cadre et que j’ai cliqué à ce moment bien précis. Non ça ne se passe pas comme ça pour moi. Sauf dans les cas où il n’y a qu’un seul élément dans ma photo, très souvent, je sens qu’il se passe des choses et je distingue plus des formes qu’autre chose. Ces formes sont des parties de l’image que je considère intéressantes. Comme par exemple à l’arrière plan à gauche une petite scénette, à droite un personnage statique et au premier plan avec une autre personne. Je ne sais pas si je me fais bien comprendre … C’est lors du post processing que pour moi s’opère la magie de découvrir l’image finale.

Pour moi une bonne photo est un moment capturé. Ca n’a pas besoin d’être fantastique (mais ça peut l’être !). Ca peut être d’une banalité affligeante, mais c’est un moment, un fragment de vie qui se déroule devant nous. Par contre, je ne crois pas au « decisive moment » qu’on attribue à HCB. Pourquoi décisif ? Parce qu’il marque le point de tension maximal ? le point de bascule ? Le moment le plus important ? C’était la traduction américaine : the decisive moment. Si on se réfère à la version française du livre de HCB était : « Images à la sauvette ». Ca n’a strictement rien à voir ! Il est vrai qu’on capture un moment et c’est ce que je préfère dans la rue. Mais delà à l’alourdir avec l’adjectif « décisif », perso, je ne le ferai pas pour mon travail.
Voilà donc mon point de vue sur le sujet. Je ne sais pas ce que John a écrit à cet instant. Je ne doute pas que les deux billets seront complémentaires et vous aurez de toute manière le point de vue de deux personnes différentes. Je pense partager avec John une vision assez similaire de la Street Photography, mais nous avons néanmoins des sensibilités différentes. Je vous invite à aller lire son article ici.
Bonsoir Jeff,
j’ai lu avec attention ton post et celui de John Harper. En mixant les deux je m’y retrouve. Pour moi l’important c’est la motivation, la lumière, la règle des 2/3 , les plans et les lignes de fuite. Evidemment il faut un appareil que tu apprécies, a camera you bond with comme le diraient les britanniques. De superbes images. hâte de lire ton prochain post
bien amicalement
Jean
John et moi, on a insisté sur des choses différentes, ce qui fait que les deux articles sont assez complémentaires. Il y’a une chose que je n’ai pas évoqué néanmoins, c’est l’instinct. Je shoot énormément en le suivant et en ayant juste une réaction à ce qui sert passer devant moi dans réfléchir. C’est comme un stimulus qui me pousse à appuyer sur le déclencheur. En parlant d’appareil, depuis que je le suis improvisé réparateur de Ricoh, Jay un gros problème avec le mien … Problème de netteté sur la partie gauche de l’image… Va falloir le démonter encore. Je crois savoir d’où vient le problème, mais pas sûr erst pouvoir le régler… On verra bien
Bien sûr je ne vois pas tout quand je prends une photo et il y a une part de chance quand tous les éléments se combinent of course.
La chance on l’a provoque. Tu le sais mieux que moi ça