This is street ! Prétentieux le gars diront certains. Mais j’assume. Il y a dans cette photo prise récemment tous les ingrédients que j’aime en street photography. Une même gestuelle qui se répète. Un moment capturé avec une certaine énergie qui se dégage.  J’ai fait cette photo samedi dernier et ça fait du bien car ça me fait oublier mon début d’année plutôt discret jusqu’à présent.

Je vous remets la photo ici car WordPress a la sale habitude de recadrer la photo d’ouverture …

Ça fait quelques mois que je shoote exclusivement au 35 mm. Ça demande une approche différente et un apprentissage est requis si on vient comme moi du 28 mm. Le 35 mm demande de garder une certaine distance avec les sujets photographiés. Fini le temps où je repérai quelque chose d’intéressant et où je finissais par rusher dessus sans me poser une quelconque question car la focale faisait que pratiquement tout le temps, le sujet se trouvait dans le cadre et plus on était proche et plus ça devenait intéressant. C’est la magie du 28 mm. Un autre avantage d’utiliser le 28 mm, était qu’on pouvait se mêler plus facilement à une foule plus compacte et continuer à faire des photos sans attirer l’attention.

Je ne me cache pas quand je fais des photos, mais j’essaye de rester le plus discret possible et si ça me demande de shooter à l’aveugle, je le fais sans aucun problème. Certains diront qu’un shoot à l’aveugle n’a aucune valeur car la photo n’a pas été cadrée et ce n’est au final qu’un coup de chance heureux si la photo est réussie. Je ne suis pas d’accord avec cette idée là. Quand j’utilisais le 28mm, il y a énormément de photos que j’ai prises à l’aveugle. Uniquement parce que je connaissais parfaitement mes distances et que je savais ce qui allait être dans le cadre. Le 28mm a cette capacité d’absorber une scène car c’est un grand angle. C’est un art de shooter à l’aveugle. Oui il y a une part d’incertitude, mais vos yeux voient la scène et l’appareil ne sert qu’à capturer ce moment. Une gestuelle, une interaction fugace, un moment suffit pour que j’ai ce réflexe d’appuyer sur le déclencheur même si je n’ai pas eu le temps de composer en regardant l’écran LCD de mon Ricoh GRD IV. Il y a même eu des situations où shooter à l’aveugle était la seule et unique solution pour moi de capturer une scène sans risquer de l’altérer en attirant l’attention des sujets photographiés. Ce n’est pas une photo faite sournoisement. Le geste photographique est assumé. Je tiens juste à capturer un moment sans interaction. Je suis conscient que pas mal de photographes ne seront pas d’accord avec cette philosophie. Pour moi la capture d’un moment passe avant toute autre considération.

Le 35mm me pousse à travailler différemment dans la rue. Il faut arrêter de vouloir être trop près des gens et des scènes que vous voulez capturer. Je le sais pertinemment mais j’ai encore tendance à me trouver trop près et j’ai beaucoup de photos ratées. Règle #1 avec le 35 mm : oublie tes vieux réflexes et garde tes distances !

Une de mes craintes en utilisant le 35 mm était la gestion du zone focusing dans la rue. Vous savez, cette technique qui vous permet de vous affranchir de l’AF en utilisant l’ouverture pour avoir une zone ou la mise au point est relativement nette. Je dit « relativement », car bien évidement ce ne sera jamais aussi net qu’en utilisant l’AF. Avec le 28 mm, j’avais une profondeur de champ de malade qui transformait mon Ricoh GRD IV en point  and shoot ultime. À f4 et en faisant la mise au point à 2 m, tout était net entre 1.7 m et l’infini. Autant vous dire que la mise au point n’était pas un problème et j’avais juste à me concentrer sur ce qui se passait dans la rue. C’est vrai que le Ricoh GRD IV est un appareil à part. Si je me réfère à mon Fujifilm X-E2 qui a un format APS-C, en 28 mm, à f8, avec une MAP à 2 m, tout est net entre 1 m et 25 m. Ce n’est pas l’infini mais ça y ressemble…

J’ai switché vers le Fujifilm x100F qui a lui aussi un capteur APS-C mais une focale de 35 mm. Ma grosse crainte était de savoir comment j’allais pouvoir travailler avec une telle focale en zone focusing. J’ai ressorti mon appli pour calculer la DoF et j’étais arrivé à la conclusion suivante. f8, MAP à 3m : DoF de 1.6 m à presque 20 m. En théorie c’est presque la même chose que le 28 mm.

Malheureusement les habitudes que j’ai acquises en shootant au 28 mm pendant de si nombreuses années ont la peau dure. Difficile de se débarrasser de cette habitude de vouloir être trop près. Mais si on s’en tient au zone focusing, ça marche très bien même si je suis toujours surpris. Pourtant j’ai fait des études scientifiques et je sais qu’il n’y a aucun miracle là dedans. C’est juste de la physique et plus précisément de l’optique. Je me rappelle encore mes cours de prépa où on faisait des expériences avec de la lumière qui passait dans une feuille percée avec des trous de diamètres différents. C’est exactement la même chose avec mon appareil photo.

Donc en ce qui concerne le zone focusing, la règle est uniquement d’appliquer la règle #1 : garde tes distances, le reste fonctionne comme avec le 28mm ni plus ni moins !

Ce qui change aussi avec le 35mm, c’est qu’il y a moins de distorsion. Le 28 mm utilisé d’une certaine manière pouvait créer des scènes surréalistes avec des premiers plans percutants avec une profondeur de champ démentielle. J’aimais utiliser le 28 mm de cette façon. Mais il fallait faire attention à ne pas tomber dans le gimmick. J’en ai beaucoup abusé et c’est pourquoi à un certain moment je me suis mis à plus aérer mes compositions pour arrêter de toujours faire le même style de photos… Le 35 mm pousse à travailler différemment. Et vous pouvez dire adieu au gimmick qui marchait si bien avec le 28 mm. Au final, le changement me plaît.

Néanmoins une chose m’agace, mais elle n’est pas liée au 35 mm, mais au Fujifilm X100F. Les gens me voient dans la rue. Oui ok, je sais que je ne suis pas invisible. C’est normal qu’on me voit. Ce que je veux dire, c’est qu’on fait attention à moi. Le Fujifilm X100F attire l’attention. Son côté rétro ne passe pas inaperçu. Pour quelqu’un qui a shooté quasi exclusivement avec un Ricoh et qui veut garder profil bas sans se faire remarquer, c’est assez embêtant ! Que faire ? Je pourrai utiliser mon Ricoh GR3 que je n’aime pas et shooter en 35mm dessus, mais la tentation serait trop grande de shooter aussi au 28 mm… Ou sinon prendre un GR3x, mais le 40mm m’effraie un peu pour le gestion du zone focusing. Selon mon logiciel pour une MAP à 3m, la zone de netteté n’est plus que de 6 m au lieu des 19 m du 35 mm…

Quoi qu’il en soit, l’apprentissage du 35mm avec le Fujifilm X100F bouscule un peu mes habitudes mais pour l’instant, je m’amuse. Cette focale n’est pas encore « naturelle » pour moi, ça me demande encore beaucoup de ressources dans la rue pour cadrer et je ne maîtrise pas encore mes distances pour penser shooter à l’aveugle avec. Mais il m’a fallu un certain nombre d’années pour maîtriser parfaitement le 28 mm. Il faut que je me laisse du temps …